« Vice versa », l’expo photo qui se joue des clichés en Ehpad

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Des résidents qui font les repas, donnent à manger, lavent, coiffent et apprêtent le personnel le temps d’une séance photo…c’est le pari un peu fou que s’est lancé Adrien Lhote, animateur au sein de la maison de retraite protestante de Nantes. Résultat : une série de photos où dérision et tendresse s’entremêlent.

Changer notre regard sur les Ehpad

Au départ de cette série photo, une envie simple : décorer les murs de l’établissement un peu trop ternes. « En échangeant avec les bénévoles et les résidents, on a tout de suite eu envie de partir sur un projet photos. On a réfléchi à plusieurs idées, notamment autour des mains et du geste, mais c’est finalement celle d’inverser les rôles entre résidents et salariés qui est restée. Et quitte à jouer avec les stéréotypes, on a eu envie d’y aller à fond avec humour et bienveillance. » raconte Adrien Lhote.

L’idée s’est concrétisée en une série de 16 photos, où l’on peut voir des résidents préparer le repas, faire la plonge, prendre la place du directeur, laver le linge ou encore coiffer le personnel soignant. « Pour choisir les scènes, tout le monde a participé ! J’avais mis à disposition une boîte à idée en salle de pause et j’échangeais aussi beaucoup avec les résidents. Une fois les tableaux choisis, nous nous sommes assurés du consentement total des résidents qui souhaitaient participer, ainsi que de leurs familles. Pour organiser la séance photo, ça a été une sacrée logistique mais ça valait vraiment le coup ! Lucile Brosseau, infirmière à l’hôpital St Jacques et photographe, a réalisé les clichés et a été de très bon conseil. Elle a su mettre à l’aise les résidents devant l’objectif, ils se sont éclatés et ça se sent sur les photos ! »

Ce qui frappe au yeux sur ces photos, c’est effectivement cette joie qui en émane. « La majorité des Français ont une mauvaise image des Ehpad en les associant à des lieux tristes, ternes, où la mort rôde. Ils sont le reflet de nos peurs, du temps qui passe, de l’isolement et de la dépendance physique. Pourtant, les personnes qui vivent ici étaient enfants il y a quelques années ! Le rire est le meilleur des remèdes et c’est cette joie que nous avons voulu retranscrire dans ce projet. » explique Adrien Lhote qui souligne toutefois que « tout n’est pas toujours rose bien sûr. Même si nous avons une équipe soudée, nous sommes souvent pris dans la frénésie du quotidien et les moyens donnés par les pouvoirs publics restent insuffisants. »

Un projet inter-générationnel

Ce projet, c’était aussi l’occasion de « marquer une pause en prenant la pose », de s’arrêter dans la course folle du quotidien, de fédérer les équipes, de prendre du recul et de redonner du sens. « il y a souvent un déséquilibre dans la relation soignants/ résidents, les résidents ont envie de donner, de partager avec les soignants, de rendre ce qu’ils reçoivent au quotidien. À travers cette séance photo, ils ont pu prendre soin des soignants, en les coiffant par exemple. C’était une belle preuve d’amour et d’humour inter-générationnelle. »

« Il y a eu de très jolis moments » raconte Adrien « En plus des tonnes de fou-rires que nous avons partagé avec les résidents, je me souviens d’un moment particulièrement émouvant. Nous avions organisé un faux mariage pour célébrer l’union au sens large avec costumes et robe de mariée. Le résident qui jouait le marié était super enthousiaste, avait une patate d’enfer ! Lui qui marchait toujours très courbé, ce jour-là, il s’est relevé et marchait bien droit. C’était beau ! Il nous a quittés environ un mois après la publication du projet, sa famille a pu utiliser des photos de lui en costume, ils étaient très touchés de le voir comme ça. »

Et maintenant ?

« Nous ne nous attendions pas à un tel engouement pour le projet « Vice versa » qui nous a permis d’avoir une belle visibilité en externe et auprès des élus locaux. Nous avons organisé un vernissage avec les bénévoles et les familles, les résidents étaient très fiers ! Des personnes d’un autre Ehpad ont également entendu parler de l’exposition et sont venus la voir dans nos locaux. Ça nous a donné l’occasion d’improviser un « Questions pour un champion » inter-Ehpad et ils sont repartis avec un faux chèque symbolique d’un million ! C’était un super moment et ça nous a donné envie d’organiser d’autres sorties ensemble. »

Si les photos resteront de façon pérenne dans l’établissement, « il est temps de passer à autre chose » pour Adrien. Et les projets ne manquent pas ! « Maintenant que j’ai décelé un fort potentiel d’acteurs chez certains de nos résidents, j’ai bien envie de me rapprocher d’une école de cinéma et pourquoi pas, réaliser un court métrage… » À suivre donc !