« Souvent, les conflits proviennent d’une mauvaise perception du ressenti de l’autre. » Karine, médiatrice familiale

médiatrice familiale portrait

Comment la médiation peut-elle aider à la résolution de conflits ? Karine, médiatrice familiale au sein d’une association de protection de l’enfance, revient sur son métier qui sonne comme une évidence pour elle.

Pourriez-vous vous présenter et présenter votre parcours ?

Depuis mon diplôme d’assistante de service social en 1989, je travaille au sein d’une association missionnée dans l’accompagnement des enfants relevant de la protection de l’enfance. En 2010, j’ai eu la possibilité d’entamer une formation de deux ans pour l’obtention d’un diplôme d’État de médiateur familial. Cette nouvelle profession correspondait à mes attentes, ma philosophie du travail social et répondait également à la mise en place de nouveaux projets institutionnels.

En janvier 2013, l’ouverture d’un service d’accompagnement à la parentalité (mesure judiciaire ou administrative d’accompagnement éducatif renfoncé) a permis de mettre en pratique mes nouvelles compétences. Depuis, je poursuis mon travail au Pôle Enfance Famille sur le service Intermed à mi temps et le reste de mon temps de travail s’inscrit dans l’accompagnement des situations de la MECS (Maison d’Enfants à Caractère Social)

Quelles sont les missions d’un médiateur familial ?

La plupart des médiateurs familiaux travaillent dans des services conventionnés avec la CAF. Mon cas est différent car je suis salariée de l’association. Je n’interviens que sur demande de l’équipe pluriprofessionnelle après étude des situations ou lorsque la médiation est précisée dans les attentes du Juge des Enfants ou dans les mandats administratifs. Le code déontologique de la médiation familiale définit le médiateur familial comme un tiers neutre et impartial, ce qui n’est pas mon cas puisque j’interviens dans le cadre de la protection de l’enfance. C’est la raison pour laquelle les termes de médiation « conjugale », « parentale » ou encore « aide à la communication » sont plus adaptée à mes interventions.

Concrètement, je reçois des membres de familles (parents – adolescents – fratrie – grands-parents) en situation de conflit ou en difficulté pour communiquer. Mon rôle est de faciliter la communication intra-familiale et d’apaiser les conflits en leur permettant d’être acteur. Ceci est possible uniquement si les protagonistes sont volontaires, adhèrent librement au processus et souhaitent s’inscrire dans un changement dans leur fonctionnement. Je les aide à renouer un dialogue constructif, à comprendre et à exprimer leurs attentes respectives, leurs besoins, leurs ressentis. Chaque difficulté s’inscrit dans un processus de négociation qui au final doit déboucher sur des accords.

À la fin de chaque séance, je rédige un compte-rendu que je remets ensuite aux intéressés. Ce rapport est une trace de ce qui a pu être dit, vécu et peut servir de base pour le rendez-vous suivant. Chaque séance dure en moyenne une heure, les rendez-vous sont fixés selon les attentes des protagonistes et tout s’arrête quand il n’y a plus de besoins.

Quel aspect de votre métier préférez-vous ?

J’aime tout dans mon métier ! Quand je vois des personnes arriver en colère et repartir apaisées, quand je me rends compte qu’elles ont dépassé le stade de souffrance pour accéder à une phase de conciliation, je ressens une grande satisfaction. En tant que médiatrice familiale, je travaille beaucoup sur les émotions. Je reçois des retours de personnes qui me disent, même des années après notre rencontre, qu’ils utilisent toujours les outils que je leur avais donnés pour mieux se comprendre. Et ça, ça me rend très heureuse !

Un souvenir / une rencontre marquante depuis le début de votre carrière ?

Tout au long de ma carrière, j’ai vécu beaucoup de situations touchantes. Je me souviens particulièrement d’une maman, seule et touchée par la sclérose en plaques. Elle était en conflit avec ses deux filles et les tensions quotidiennes rendaient la vie familiale difficile, remplie de souffrances. Cette mère reprochait par exemple à ses filles de ne pas vouloir lui préparer un café et elle interprétait ce manque d’attention comme un délaissement de ses enfants. Or, les raisons étaient tout autre et ont pu être verbalisées : ses enfants refusaient de le faire car elles avaient besoin de voir leur mère bouger et leur intention était d’éviter l’aggravation de la maladie et non un délaissement volontaire. Souvent, les conflits proviennent d’une mauvaise interprétation. C’est important de creuser, de vérifier pour découvrir les parties non visibles de l’iceberg.

Comment votre métier a-t-il évolué ?

En devenant médiatrice familiale au sein de l’association, j’ai eu la chance de pouvoir définir mon mode d’intervention. J’ai dû créer mon cadre d’intervention tout en utilisant les techniques en communication apprises dans le cadre de ma formation. Mon poste a beaucoup évolué ces 8 dernières années ; j’ai mis en place des outils, des techniques qui m’aident dans mon travail. Il faut sans cesse innover, réfléchir à de nouvelles approches avec toujours comme finalité l’apaisement des conflits. Aujourd’hui, je suis pleinement identifiée dans ma fonction que ce soit au niveau institutionnel mais aussi auprès des services et partenaires extérieurs.

D’un point de vu plus global, les besoins en médiation sont de plus en plus importants, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance. Les politiques sociales ont évolué, on repère davantage les difficultés de communication intrafamiliale. Mon intervention a pour but de désamorcer les situations conflictuelles et de favoriser un climat apaisé. La volonté de soutenir et d’accompagner les parents dans leur fonction parentale, en prenant en compte leurs compétences, est plus forte qu’auparavant. 

Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir médiateur familial ?

Je dirais l’écoute et le lâcher prise car on ne sait jamais ce qui nous attend. Il faut aimer l’humain avant tout et ne surtout pas être dans le jugement.

Auriez-vous un message pour les personnes qui souhaitent exercer votre métier ?

Jugez moins, comprenez plus ! Arrêtons d’interpréter, de juger, essayons de comprendre, de négocier. Dans toute personne, il y a du potentiel, des richesses.

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